L’Huissier de justice est un officier public particulier puisqu’il est également un auxiliaire de justice détenteur d’une parcelle d’autorité publique. A ce titre, l’huissier de justice n’est pas un opérateur économique mais un rouage de la puissance publique permettant l’exécution des décisions de justice ainsi que l’expression contraignante du pouvoir judiciaire.

Le projet de réforme actuel tend à affaiblir l’autorité publique qui est au service de l’institution judiciaire. Mais en quoi l’huissier de justice dispose t il d’une parcelle d’autorité publique au service de l’institution judiciaire et en quoi la réforme peut-elle affaiblir l’institution judiciaire ?

L’huissier de justice, en tant que dépositaire d’une parcelle d’autorité publique, a la capacité d’imposer aux justiciables contre leurs volontés ses actes et diligences, tant dans l’exécution forcée que dans la transmission de l’information judiciaire.

La participation à l’exercice de l’autorité publique de l’huissier de justice est incontestable dans l’exécution forcée qui par principe s’effectue à l’encontre de la volonté de la personne qui la subie. L’huissier de justice dispose de pouvoirs exorbitants pour assurer son Ministère : levée du secret professionnel, pénétration au domicile, expulsion d’un domicile. Certains de ses actes constituent une mise sous mains de justice par officier public, tandis que d’autres réalisent un transfert instantané de patrimoine sans l’accord du débiteur.

La signification quant à elle constitue une expression de la puissance judiciaire de l’état.
Le besoin de sécurité juridique est une nécessité judiciaire et sociale élémentaire. Afin d’assurer le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable, l’huissier de justice dispose la encore de pouvoirs exorbitants pour assurer sa fonction. Son pouvoir de contrainte devient intellectuel et permet de sécuriser le débat judiciaire : le contenu des actes d’huissiers de justice, après vérifications juridiques, factuelles et humaines de l’officier public responsable, est opposable à son destinataire contre sa volonté.
Ainsi, les contenus des actes judiciaires et extrajudiciaires s’imposent aux justiciables récalcitrants ou peu scrupuleux (un refus, un mensonge, une absence volontaire ne s’imposent ni à l’huissier ni à la justice). La mauvaise foi ne suffit pas à stopper les procédures.

Si l’huissier de justice, tout au long du contentieux judiciaire, est le gardien public du contradictoire, il permet également par ses actes extrajudiciaires un règlement amiable de certains conflits, désengorgeant ainsi les tribunaux. Les actes d’huissier de justice, qu’ils soient judiciaires ou extrajudiciaires, valent jusqu’à inscription de faux. Ils empêchent les différends de naître entre les hommes de bonne foi et enlèvent aux autres, avec leurs chances de succès, l’envie d’élever une contestation injustifiée.

On le voit, par la signification, l’huissier de justice fait bien plus que d’assurer un service public postal : c’est par son truchement que l’Etat exprime sa puissance publique pour faire respecter l’institution judiciaire.

En supprimant le numerus clausus d’agents dépositaires de l’autorité publique, l’état perdra une partie de la maîtrise de son autorité.

En ouvrant la possibilité à des tiers d’entrer dans le capital social des sociétés exerçant les fonctions d’huissier de justice, l’état autorise la vente de sa propre autorité publique constituant une partie de sa souveraineté à des opérateurs économiques sans contrepartie évidente.

En supprimant le monopole de la transmission de l’information judiciaire par l’huissier de justice, l’état affaiblira son pouvoir judiciaire déjà en crise, et par la même sa propre autorité. En remplaçant l’huissier de justice par un système postale, l’état montre également l’importance qu’il porte au monde judiciaire.

Notre société y perdra encore un peu plus ses repères…